C’est la lecture d’un livre d’Arnaud Desjardins sur l’enseignement de son maître indien, Swami Prajnanpad, qui a produit le déclic déterminant. J’y trouvais à la fois le climat d’une ouverture spirituelle et, en même temps, des éléments précis pour aborder le fonctionnement de mon psychisme, y compris dans sa dimension émotionnelle et inconsciente.
En parallèle de cette lecture, j’ai commencé à rencontrer en Orient des sages qui rayonnaient d’une qualité de joie, d’amour et de sérénité que je n’avais jamais perçue jusque-là chez un être humain. Leur témoignage venait confirmer ce que je lisais car, de nature sceptique, j’avais besoin de voir de mes yeux pour être convaincu. Leur existence témoignait qu’une transformation intérieure était possible et que celle-ci les avait libérés de l’assujettissement à la souffrance, malgré les épreuves que certains avaient pu traverser.
Je percevais en revanche qu’ils ne m’apportaient pas nécessairement des réponses que je pouvais utiliser dans mon quotidien, même si leur rayonnement me touchait profondément. Soit le contexte culturel et rituel, le langage métaphorique ou religieux m’apparaissaient trop étrangers ou incompréhensibles, soit j’entendais des discours qui me rappelaient désagréablement le catéchisme de mon enfance. Le langage de Swami Prajnanpad tranchait totalement par son accessibilité, sa clarté et sa précision. Je pouvais me l’approprier directement et commencer à en appliquer les indications, tel que j’étais, sans adopter un credo étranger ni devoir correspondre à un quelconque idéal.
Il avait élaboré cette approche avant la Seconde Guerre mondiale : on peut imaginer combien elle était novatrice et audacieuse pour l’Inde de l’époque, comme elle l’était encore, pour la France des années 1970, quand je l’ai découverte auprès d’Arnaud Desjardins qui la transmettait à son tour, après la mort de son maître. J’ai pu expérimenter d’abord pour moi-même cet alliage de compréhension du psychisme et d’ouverture à la dimension spirituelle qui a transformé, au fil du temps, ma vie intérieure. Puis j’ai souhaité approfondir cette articulation originale entre psychothérapie et spiritualité et en faire le cœur de ma pratique comme psychiatre et thérapeute.
Depuis trente ans, je reçois des personnes qui sont arrivées à ce constat : « Il doit y avoir quelque chose en moi qui ne va pas, je ne me comprends pas et j’ai besoin d’aide. » Chacune attend de cette démarche l’apaisement de sa souffrance et la possibilité de réaliser des désirs fondamentaux. Dès le premier entretien, je peux avoir un aperçu de la relation de cette personne avec elle-même: s’aime-t-elle?
La réponse qui me vient souvent, c’est: « Peu… mal… pas du tout. » Elle « se méconnaît et se dévalorise, elle se maltraite sans s’en rendre compte, voire elle se hait »….
Extrait du livre « Souffrir ou aimer » (introduction p.13)
Christophe Massin a reçu le prix Psychologies – Fnac 2014 du meilleur essai pour mieux vivre sa vie pour son livre Souffrir ou aimer, transformer l’émotion, aux éditions Odile Jacob.
L’émotion se lisait sur son visage. Mais c’est avec un mélange de joie et de grande simplicité que Christophe Massin a reçu le Prix Psychologies-Fnac 2014 pour son ouvrage Souffrir ou aimer. Un ouvrage dans lequel il nous redessine la carte de nos émotions, à l’aune de la spiritualité. « Souffrir ou aimer, souffrir d’aimer, aimer et souffrir, les deux vont de pair, a souligné le psychiatre féru de spiritualité indienne. Aimer n’est pas posséder, aimer ne veut pas dire : je veux être aimé de toi. Aimer, c’est aimer l’autre pour ce qu’il est. C’est ainsi que l’on peut dire : aimer ou souffrir. Et non pas aimer et souffrir. » Petit frisson dans l’assistance, éditeurs, journalistes, auteurs, lecteurs, nous étions nombreux à l’écouter avec grande attention…
Quel livre ! Il permet de toucher la spiritualité, en s’appuyant sur ses émotions. On s’aperçoit que nous les méconnaissons.